Monsieur Rhalil

 

29 ans

Restaurateur

Queens


En 1990, les Russes étaient encore en Afghanistan, ils forçaient les jeunes hommes à entrer dans l’armée et à combattre les moudjahidin. Les Etats-Unis nous accueillaient à bras ouverts à cette époque. Je me suis donc enfui et quand je suis arrivé ici à l’aéroport, sans papiers, on m’a immédiatement donné un visa très avantageux, qui me permettait de travailler. Mon oncle m’a offert un emploi dans son restaurant, ce qui me permettait de soutenir ma famille. J’aimais l’Amérique et n’aurais pas cru possible ce qui m’est arrivé par la suite.

Le 11 septembre, au restaurant, nous n’avons rien su jusque vers midi, quand les premiers clients sont arrivés ! Ça me fait mal, tous ces gens qui sont morts. Quant à moi, je ne me suis pas spécialement fait de souci, sauf pour ma demande d’asile politique.

Le premier jour des bombardements américains en Afghanistan, j’étais avec mon oncle et sa famille. Nous regardions la télévision, inquiets pour notre pays. Soudain, le FBI a fait irruption ! Ils m’ont arrêté pour infraction aux lois d’immigration. Je ne savais même pas que j’étais en infraction ! J’ai appris plus tard que je n’avais pas reçu une lettre de convocation au tribunal à la suite d’un déménagement, ce qui entraîne automatiquement un ordre d’expulsion. Même arrêté, je ne me suis pas fait trop de souci, j’ai pensé qu’ils me relâcheraient au bout de quelques jours. J’ai passé huit mois en prison, dont six mois dans une prison pour criminels de droit commun, ce qui est une infraction aux droits de l’homme.

Deux mois après mon arrestation, on m’a annoncé que j’étais relâché. Tout content, je contacte ma famille, mon avocat. On me transporte au New Jersey, et je dis à l’employé de l’immigration que je rentre à la maison. « A la maison ! Tu vas retourner à la seule maison où tu sois à ta place ! » Et ils m’ont incarcéré dans la prison de droit commun. L’aspect le pire de mon incarcération, c’était d’être avec ces criminels. Nous autres détenus musulmans, nous étions maltraités par le personnel : pendant toute une journée de transport, on ne m’a pas laissé uriner alors que j’ai des calculs rénaux. Par contre, les criminels ne faisaient pas de discrimination : ils étaient violents sans distinction.

En prison, j’ai été interrogé plusieurs fois par le FBI qui voulait que j’espionne pour eux. Mais je ne connais personne ! Même si je suis religieux, je n’ai jamais eu de sympathie pour les talibans, ils sont trop stricts et maltraitent les gens. Tout ce que je souhaite, c’est un gouvernement, de quelque ethnie qu’il soit, qui relève mon pays pour qu’on puisse de nouveau y vivre. Je suis sorti de prison grâce à mon oncle qui a payé ma caution et j’attends de passer en tribunal. Si je suis renvoyé en Afghanistan, qu’est-ce que j’y ferai ? Je n’y trouverai pas de travail, et ma mère, mes sœurs et leurs enfants, que je soutiens financièrement, sont réfugiés au Pakistan. Je travaille sept jours par semaines, tout ce que je demande, c’est de pouvoir nourrir ma famille qui a besoin de moi.