Mel Kendrick

52 ans

Artiste

Manhattan


J’habite dans ce quartier, Tribeca, à une centaine de mètres du WTC, depuis trente ans. J’ai emménagé ici quand ils construisaient le WTC. Le 11 septembre, notre préoccupation, c’était nos trois enfants. Le plus grand va au lycée Stuyvesant, juste au pied des tours. Nous sommes immédiatement allés le chercher, et tout d’abord, ils ne voulaient pas le relâcher, c’était contre les règles ! Le plus affecté, je crois, a été mon fils de 15 ans. Nous avons téléphoné à son école à Brooklyn, pour qu’on lui annonce que nous étions saufs, mais personne ne lui a transmis le message. C’était tellement la panique, avec tous les parents d’enseignants et d’élèves qui étaient portés disparus. Toute cette journée-là, il s’est senti responsable de sa petite sœur qui va à la même école. Il ne savait pas si nous étions encore vivants. Mais nous les adultes avons aussi été traumatisés. Mon fils aîné et moi avons vu vingt, trente personnes sauter des tours. Je ne peux pas dire pour qui cela a été pire.

Quelques jours plus tard, il a été envoyé dans une école à Brooklyn. Les élèves locaux commençaient tôt le matin et ceux de Stuyvesant à midi ! Et après un mois, il a pu retourner dans son école, ce qui était sans doute trop tôt, à cause des émanations qui sortaient encore du site.

Quand j’ai vu ces avions s’écraser contre le WTC, j’étais en rage : ces terroristes on tenté de détruire ce que nous avons de meilleur : notre liberté. Et nous allons le payer maintenant par une perte de liberté. J’ai compris en voyant les talibans détruire des statues de Bouddha que nous sommes dans une guerre culturelle. Nous exportons MTV, des feuilletons, et si j’étais un musulman religieux, je penserais aussi que nous sommes Satan. Il est certain que nous détruisons des cultures dans le monde.

L’attentat a eu des conséquences catastrophiques pour nous. Ma femme venait de lancer une compagnie de production dans laquelle nous avions beaucoup investi. Nous avons dû baisser les loyers des appartements qui font partie de notre revenu. La Croix-Rouge nous a aidé au début, mais pas le gouvernement, parce que, contrairement à un magasin, il nous était difficile de prouver une perte de revenu. Et j’ai perdu des oeuvres qui n’étaient pas assurées. Mais nous sommes sains et saufs, c’est l’essentiel. J’adore New York. C’est une ville où l’on peut vieillir, parce qu’on n’a pas besoin d’une voiture. La question la plus délicate reste celle des enfants. S’il leur arrivait quelque chose, je ne me le pardonnerais pas.