John Mooney

 

      36 ans

      Pompier

      Brooklyn


Nous sommes partis de la station dans le Queens et nous avons surtout d’abord attendu : dans un stade où l’on nous a centralisés, et ensuite à proximité du site. Quand, finalement, on nous a appelés, il était 10h45. Je n’avais jamais vu une dévastation pareille. Nous avions apporté des seaux, et nous avions affaire à des poutres d’acier de plusieurs mètres. Les chefs ne savaient pas où donner de la tête, il faut dire que la plupart des galonnés avaient disparu avec l’écroulement de la première tour.. Un retraité, qui avait travaillé comme métallurgiste à la construction du WTC, s’est pointé sur le terrain. Il nous a bien aidés, il courait partout, donnait des ordres, même les chefs lui obéissaient ! Mais nous espérions tous dégager des blessés, et il ne sortait personne. Je suis rentré chez moi après avoir travaillé 44 heures d’affilées, on m’a réveillé pour m’annoncer que mon meilleur copain, un pompier, avait disparu.

A l’époque, je travaillais dans un quartier du Queens où habitent surtout des Brésiliens et des Mexicains, ils se méfiaient un peu de nous, avec nos uniformes. Tout a changé après le 11 septembre. Les gens venaient nous faire la cuisine, apportaient des gâteaux, à tel point qu’on a tous pris du poids !

On a retrouvé le corps de mon copain, Chuck Mendez, le soir du Nouvel An. Une fois que les enterrements se sont espacés, c’est mal allé à la station. Il y avait des crises, des engueulades. Des psychologues se sont mis à nous rendre visite régulièrement. Il aurait fallu qu’ils commencent plus tôt, parce que beaucoup de pompiers avaient déjà eu recours à l’alcool et aux drogues. Nous sommes davantage sur le qui-vive si un incendie louche se déclare.

A la suite de l’attentat, j’ai changé. Avant, j’avais plusieurs boulots, à quoi me servait tout cet argent ? Je profite plus de la vie, je voyage. Et puis, avant, je n’étais pas certain de rester pompier tout ma vie. Maintenant, c’est clair : je vais continuer, par respect pour tous mes collègues qui sont morts.