Frederick Wooden

Pasteur

49 ans

Brooklyn


Quand j’ai vu les tours en feu depuis mon appartement, j’ai immédiatement décidé de filer au travail. Dans la rue, la cendre s’était mise à tomber. Comment expliquer ? Elle m’a donné une impression de sérénité, parce qu’elle était composée de béton, de papier, mais aussi de cendres des morts, et pour eux au moins, je n’avais pas à me faire du souci. Nous avons tout de suite décidé d’organiser un service religieux le soir. J’ai choisi de lire un passage du Coran, c’est un texte qui fait très clairement la différence entre le bien et le mal. Les jours suivants, je me suis battu pour organiser un service œcuménique le dimanche : juifs, catholiques, protestants, et musulmans évidemment. Malheureusement, les musulmans sont arrivés avec des banderoles politiques parce qu’ils revenaient d’une manifestation, ce qui a été mal pris par les autres communautés…

Ma première réaction a été de me demander comment on peut faire une chose pareille. Mais en tant que pasteur, je fais partie de l’Église Unitaire, j’ai souvent affaire à la mort, à la violence, à la douleur. Certaines questions, comment Dieu peut-ils laisser cela se passer, j’y ai répondu depuis longtemps, et ces réponses sont toujours valables pour moi. Je crois au libre arbitre et que le mal est inévitable, mais pas nécessaire. Où est Dieu ? Quand Bush dans un discours a dit, Dieu est de notre côté, ça m’a mis en rage. Parler de Dieu, c’est mon boulot, qu’il fasse le sein. Et Dieu est du côté de l’humanité.

Le problème actuel de l’Islam, c’est que c’est une culture qui a été surpassée par une autre. Comment s’expliquer que Mahomet ait abandonné ses fidèles, alors que même les juifs, qui étaient sans pouvoir, sont maintenant plus puissants qu’eux ?Est-ce que Dieu est moins puissant ou est-ce que nous n’avons pas respecté les préceptes de Dieu ? Les réponses diffèrent d’un pays à l'autre : hostiles et agressives dans les pays au gouvernement musulman : dans les autres, comme en Inde avec Salman Rushdie, des conceptions nouvelles de l’islam émergent.

New York a changé, un peu. Les gens sont plus solidaires. Je ne sais pas si ça durera. Quand je voyage aux Etats-Unis, j’ai l’impression que les gens sont restés à un stade antérieur, plus centré sur les événements, alors qu’à New York, nous sommes tournés vers le futur. Nous buvons des Cosmopolitan et nous nous vernissons les doigts de pied maintenant,comme avant.

Le 11 septembre 2002, nous aurons un service de commémoration, et ensuite nous irons à pied jusqu’à la Promenade de Brooklyn Heights, pour y poser une couronne. C’est que nous, le clergé, nous sommes les spécialistes du rituel !