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Interview de Dominique Sicile, infirmière chef à St-Vincent, de garde lors des attaques du 11 septembre

 

Dominique Sicile

41 ans

Infirmière chef

Manhattan


Le 11 septembre, j’étais en réunion au service d’oncologie. J’ai reçu un appel : un avion avait percuté le WTC. Un plan d’urgence a été mis en place. Il avait été élaboré après l’attentat de 1993, où nous avions eu beaucoup de blessés. On évacue tous les malades qui peuvent rentrer chez eux, on annule toutes les opérations qui ne sont pas urgentes, pour libérer lits et personnels. Tous les médecins et les infirmières en congé sont rappelés.

On m’a demandé de travailler au « triage ». Nous étions à nos postes, submergés de travail, et quelqu’un arrivait et disait : un avion d’est écrasé sur le Pentagone. Et plus tard : la tour numéro 1 s’est effondrée. Puis la tour numéro 2. C’était comme un film de Hitchcock. Terrifiant. Et le quartier s’est mobilisé pour nous aider. Incroyable. Toutes les quinze minutes, nous recevions du café, des sandwichs des commerces du coin. Le lendemain, sur le chemin de l’hôpital, les gens m’arrêtaient, avec des photos de leurs disparus, et je les regardais, toutes, je ne pouvais pas les ignorer, surtout parce que j’avais été au triage. Et je disais, non, je n’ai pas vu cette personne, je vérifiais notre liste, et j’essayais de soutenir leur espoir : allez voir peut-être dans un autre hôpital…

J’ai des amis qui sont morts ensevelis, du personnel soignant. Quand je pense à eux, je me dis, c’est mon devoir de vivre ma vie pleinement. Si on n’aime pas ce qu’on fait, il faut changer, passer à quelque chose d’autre. Et la vie est trop courte pour se disputer. Je trouve qu’à New York, il y a davantage de gentillesse, les gens sont moins agressifs. il me semble que nous voyons moins de violence, ici, au service des urgences, alors que j’en ai toujours beaucoup vu. En tout cas, je reste !

Ces terroristes avaient un but, et ils ont eu beaucoup de « chance » en le réalisant. Qu’on aille chercher les responsables de cet attentat me semble normal, mais pas qu’on lâche des bombes sur le reste du pays. Il faut s’asseoir à des tables et discuter, cette situation doit être réglée par une voie pacifiste, et non pas violente comme elle l’a été jusqu’`ici. Nous devons être maintenant plus en alerte. A l’hôpital, après le 11 septembre, nous avons dû apprendre à faire face au bioterrorisme, nous avons des douches, et de nouveaux protocoles. Quant au système d’urgence en cas de catastrophe, il a bien fonctionné et nous continuons à nous y exercer.